Mai-Thu Perret
Détruire, dit-elle
Galerie Mezzanin, Genève
5 décembre 2024–22 février 2025
Mai-Thu Perret a développé, au fil des décennies, une pratique singulière qui traverse les disciplines (de la sculpture au film, en passant par la céramique et la performance), multiplie les référents (des mouvements avant-gardistes du 20e siècle aux philosophies orientales) et fusionne les méthodologies (faisant usage de ses études littéraires aussi bien que de ses expériences curatoriales).
A la fin des années 1990, elle élabore la fiction d’une communauté de femmes dont l’histoire est aussi le premier protocole pour la production d’objets. Formellement, les œuvres renvoient alors au Constructivisme et au Bauhaus (des mouvements qui ont mis l’art au service de la formation d’une société nouvelle), ainsi qu’à des formes artisanales et décoratives souvent marginalisées par l’histoire de l’art et indexées comme féminines. Ajoutant, année après année, de nouveaux corpus à son travail, elle excave des éléments du modernisme et les réinscrit dans notre présent, comme autant de chapitres d’une narration concrète, existentielle.
Les objets réunis ici mélangent les techniques (aquarelle, haute lisse, céramique) et semblent appartenir à des registres formels différents, allant d’une abstraction trouvée à une figuration appropriée, en passant par des formes expressives ou biomorphiques. Ces formes et ces matériaux sont en réalité issus de processus de déplacements et de traduction : l’aquarelle renvoie à la céramique et peut être transposée en tapisserie ; l’abstraction est renvoyée à un horizon décoratif ; tandis que les gestes sont l’indice d’une plasticité plutôt que d’une expressivité. Parmi ces œuvres récentes, une place nouvelle est donnée au non-humain et à la « nature ». Mais celle-ci est vue par un filtre influencé par la pensée asiatique, où des pierres façonnées par la pluie trouvent leur place au musée, tout comme la fleur tropicale connue sous le nom de « Amorphophallus titanum » et dont l’inflorescence est l’une des plus hautes du monde, manifeste son caractère sculptural « naturel ».
Le titre de l’exposition, repris d’un livre de Marguerite Duras publié en 1969, avec sa caractéristique disjonction syntaxique et l’espace de doute qu’il ouvre, suggère que, pour Mai-Thu Perret, une œuvre est toujours plus une intention qu’une action, une hypothèse plutôt qu’une affirmation, une question plutôt qu’une réponse – soit, fondamentalement, un énoncé.
Les objets de Mai-Thu Perret se situent à cette croisée du langage et de formes en constante transformation : là où l’organique devient symbolique.